La fin des huitres et des moules
Huitres et moules menacées par l’acidification des océans provoquée par le CO2
25 mars 2007
La moitié du CO2 émis par l’homme se dissout dans l’océan, et petit à petit le rend plus acide. Or l’acide dissout le calcaire. Donc les coquilles de mollusques. Une petite leçon de chimie - pas très amusante - par le CNRS.
Depuis le début de l’ère industrielle, l’océan a absorbé environ la moitié des émissions anthropiques(1) de gaz carbonique (CO2) dans l’atmosphère, entraînant une acidification de l’eau de mer. Frédéric Gazeau, chercheur à l’Institut Néerlandais d’Écologie et ses collègues dont Jean-Pierre Gattuso, directeur de recherche au laboratoire d’Océanographie de Villefranche-sur-mer (CNRS/Université Pierre et Marie Curie) ont examiné la réponse des huîtres et des moules cultivées en Europe à cette acidification des océans. Les résultats, publiés dans la revue Geophysical Research Letters, sont sans appel : ils montrent pour la première fois que ces mollusques d’intérêt économique seront directement affectés par le bouleversement en cours de la composition chimique de l’eau de mer.
En février dernier, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) notait que le réchauffement de notre planète résultait “très vraisemblablement” du rejet de gaz à effet de serre par les activités humaines et soulignait que les changements climatiques s’accentueraient au cours du 21ème siècle si les émissions étaient maintenues au rythme actuel ou à un rythme supérieur. Chaque jour, plus de 25 millions de tonnes de gaz carbonique se combinent avec l’eau de mer, la rendant plus acide. L’augmentation des émissions de CO2 atmosphérique suit une courbe exponentielle. Ainsi, durant le siècle à venir l’acidification des océans risque de se poursuivre à une vitesse au minimum 100 fois supérieure à toute variation naturelle depuis au moins 600 milliers d’années. L’impact de ce phénomène sur les organismes et les écosystèmes marins a longtemps été ignoré par la communauté scientifique. Depuis une dizaine d’années, plusieurs travaux conduits par des chercheurs allemands, américains et français du CNRS ont montré que l’acidification des océans rendait plus difficile la fabrication de calcaire par les organismes marins tels que les coraux, les algues ou le phytoplancton mais aucuneétude n’avait encore été menée sur des mollusques d’intérêt commercial.
Les chercheurs ont constaté que la calcification de la moule comestible ( Mytilus edulis) et de l’huître du Pacifique ( Crassostrea gigas) diminuait de manière linéaire avec l’augmentation du CO2 et la diminution du pH. La vitesse de fabrication de leur coquille diminue respectivement de 25 et 10 % à la valeur de CO2 attendue pour l’année 2100 (environ 740 parties par million2 ou ppm). De plus, la coquille des moules se dissous lorsque la pression partielle de CO2 est supérieure à 1800 ppm. Ces résultats de laboratoire transposés au milieu naturel suggèrent qu’une telle diminution de la calcification aura vraisemblablement d’importantes conséquences socio-économiques. En effet, l’aquaculture de mollusques a augmenté de près de 8 % par an durant les 30 dernières années pour atteindre en 2002 près de 12 millions de tonnes par an et un marché de 10,5 milliards de dollars. L’huître du Pacifique est la plus cultivée avec un volume de 4,2 millions de tonnes par an en 2002, soit 10,8 % de la production aquacole mondiale, tandis que les moules représentent un volume de production de 1,4 million de tonnes par an, soit 3,6 % de la production aquacole totale.
Au delà de leur intérêt commercial, les moules et les huîtres rendent des services écologiques très importants : elles créent par exemple des habitats permettant l’installation d’autres espèces, contrôlent en grande partie les flux de matière et d’énergie et sont d’importantes proies pour les oiseaux au sein des écosystèmes qui les abritent. Un déclin de ces espèces aurait donc des conséquences graves sur la biodiversité des écosystèmes côtiers et les services qu’elles rendent aux populations humaines.
Une estimation précise des impacts économiques et écologiques de ces premiers travaux exige d’étudier la possible adaptation génétique à long terme des moules et des huîtres à l’acidification des océans. Mais aussi l’interaction entre l’acidification et l’augmentation de la température prédite par le GIEC. Ces développements seront probablement menés dans le cadre d’un projet européen puisque la Commission européenne a lancé un appel d’offre sur l’acidification des océans et ses conséquences pour un budget de 4 à 7 millions d’euros.
1 Résultant des activités humaines. 2 Unité de mesure du gaz carbonique : elle était de 280 ppm au début de l’ère industrielle ; elle est actuellement d’environ 370 ppm et sera d’environ 740 ppm en 2100.
Référence “ Impact of elevated carbon dioxide on shellfish calcification” Frédéric Gazeau, Christophe Quiblier, Jeroen M. Jansen, Jean-Pierre Gattuso, Jack J. Middelburg, and Carlo H. R. Heip,Geophysical Research Letters (GRL) 2007.
25 mars 2007
La moitié du CO2 émis par l’homme se dissout dans l’océan, et petit à petit le rend plus acide. Or l’acide dissout le calcaire. Donc les coquilles de mollusques. Une petite leçon de chimie - pas très amusante - par le CNRS.
Depuis le début de l’ère industrielle, l’océan a absorbé environ la moitié des émissions anthropiques(1) de gaz carbonique (CO2) dans l’atmosphère, entraînant une acidification de l’eau de mer. Frédéric Gazeau, chercheur à l’Institut Néerlandais d’Écologie et ses collègues dont Jean-Pierre Gattuso, directeur de recherche au laboratoire d’Océanographie de Villefranche-sur-mer (CNRS/Université Pierre et Marie Curie) ont examiné la réponse des huîtres et des moules cultivées en Europe à cette acidification des océans. Les résultats, publiés dans la revue Geophysical Research Letters, sont sans appel : ils montrent pour la première fois que ces mollusques d’intérêt économique seront directement affectés par le bouleversement en cours de la composition chimique de l’eau de mer.
En février dernier, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) notait que le réchauffement de notre planète résultait “très vraisemblablement” du rejet de gaz à effet de serre par les activités humaines et soulignait que les changements climatiques s’accentueraient au cours du 21ème siècle si les émissions étaient maintenues au rythme actuel ou à un rythme supérieur. Chaque jour, plus de 25 millions de tonnes de gaz carbonique se combinent avec l’eau de mer, la rendant plus acide. L’augmentation des émissions de CO2 atmosphérique suit une courbe exponentielle. Ainsi, durant le siècle à venir l’acidification des océans risque de se poursuivre à une vitesse au minimum 100 fois supérieure à toute variation naturelle depuis au moins 600 milliers d’années. L’impact de ce phénomène sur les organismes et les écosystèmes marins a longtemps été ignoré par la communauté scientifique. Depuis une dizaine d’années, plusieurs travaux conduits par des chercheurs allemands, américains et français du CNRS ont montré que l’acidification des océans rendait plus difficile la fabrication de calcaire par les organismes marins tels que les coraux, les algues ou le phytoplancton mais aucuneétude n’avait encore été menée sur des mollusques d’intérêt commercial.
Les chercheurs ont constaté que la calcification de la moule comestible ( Mytilus edulis) et de l’huître du Pacifique ( Crassostrea gigas) diminuait de manière linéaire avec l’augmentation du CO2 et la diminution du pH. La vitesse de fabrication de leur coquille diminue respectivement de 25 et 10 % à la valeur de CO2 attendue pour l’année 2100 (environ 740 parties par million2 ou ppm). De plus, la coquille des moules se dissous lorsque la pression partielle de CO2 est supérieure à 1800 ppm. Ces résultats de laboratoire transposés au milieu naturel suggèrent qu’une telle diminution de la calcification aura vraisemblablement d’importantes conséquences socio-économiques. En effet, l’aquaculture de mollusques a augmenté de près de 8 % par an durant les 30 dernières années pour atteindre en 2002 près de 12 millions de tonnes par an et un marché de 10,5 milliards de dollars. L’huître du Pacifique est la plus cultivée avec un volume de 4,2 millions de tonnes par an en 2002, soit 10,8 % de la production aquacole mondiale, tandis que les moules représentent un volume de production de 1,4 million de tonnes par an, soit 3,6 % de la production aquacole totale.
Au delà de leur intérêt commercial, les moules et les huîtres rendent des services écologiques très importants : elles créent par exemple des habitats permettant l’installation d’autres espèces, contrôlent en grande partie les flux de matière et d’énergie et sont d’importantes proies pour les oiseaux au sein des écosystèmes qui les abritent. Un déclin de ces espèces aurait donc des conséquences graves sur la biodiversité des écosystèmes côtiers et les services qu’elles rendent aux populations humaines.
Une estimation précise des impacts économiques et écologiques de ces premiers travaux exige d’étudier la possible adaptation génétique à long terme des moules et des huîtres à l’acidification des océans. Mais aussi l’interaction entre l’acidification et l’augmentation de la température prédite par le GIEC. Ces développements seront probablement menés dans le cadre d’un projet européen puisque la Commission européenne a lancé un appel d’offre sur l’acidification des océans et ses conséquences pour un budget de 4 à 7 millions d’euros.
1 Résultant des activités humaines. 2 Unité de mesure du gaz carbonique : elle était de 280 ppm au début de l’ère industrielle ; elle est actuellement d’environ 370 ppm et sera d’environ 740 ppm en 2100.
Référence “ Impact of elevated carbon dioxide on shellfish calcification” Frédéric Gazeau, Christophe Quiblier, Jeroen M. Jansen, Jean-Pierre Gattuso, Jack J. Middelburg, and Carlo H. R. Heip,Geophysical Research Letters (GRL) 2007.
Libellés : moules
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