Une expo sur le climat auto-censurée pour éviter de déplaire
Cette exposition du Musée d'histoire naturelle de Washington, qui s'est tenue d'avril à novembre 2006, portait sur la région arctique et les changements climatiques observés par les scientifiques occidentaux et les peuples indigènes. "Nous l'avons modifiée pour en adoucir le ton, rendre les informations scientifiques plus incertaines, être plus prudents. Nous étions inquiets qu'elle soit un sujet de controverse", a indiqué Robert Sullivan, ancien directeur en charge des expositions au National Museum of Natural History. Il a quitté la Smithsonian Institution il y a six mois.
Dans une tribune au Washington Post en avril, au lendemain de la démission forcée du patron de la vénérable institution, Lawrence Small, accusé de dépenses personnelles somptuaires aux frais du contribuable, M. Sullivan avait déjà dénoncé "la censure" de certaines expositions. "Une obsession pour se ménager le soutien et obtenir le budget octroyé par le Congrès a conduit à censurer des expositions et éviter les sujets controversés", écrivait alors M. Sullivan. Dans le cas de la présentation sur l'Arctique, alors que l'exposition allait être ouverte, la direction du musée a arrêté le projet et pris six mois pour faire une relecture des légendes. "Nous avons mis davantage l'accent sur l'incertitude des données scientifiques. Nous ajoutions par exemple une étiquette indiquant qu'un modèle scientifique de réchauffement à long terme pouvait être interprété différemment", a expliqué cet ancien responsable, admettant qu'il avait pris part à ces décisions.
"Personne ne nous demandait spécifiquement de le faire, ni le Congrès, ni la Maison Blanche. C'était insidieux, c'était toujours là comme une ombre. On avait le sentiment qu'il fallait être prudent", a-t-il expliqué. La Smithsonian Institution qui chapeaute 18 musées, est financée à 70% par des fonds publics. L'institution a réagi dans un communiqué à "ces allégations erronées faites par un ancien employé qui n'était ni un scientifique ni un commissaire d'exposition". "Jamais nous n'aurions fait une modification d'une exposition sur le changement de climat qui contredirait notre propre savoir ainsi que celui de scientifiques internationaux", s'est indigné le secrétaire général par intérim de la Smithsonian Cristian Samper.
"Pas un seul élément de la présentation n'a été changé du fait d'une pression supposée, externe ou interne", a ajouté le patron du département anthropologie du musée Daniel Rogers. Selon M. Sullivan en revanche, l'équipe de scientifiques responsable de l'exposition sur l'Arctique était "irritée" des changements. L'association américaine de défense des libertés ACLU a aussi dénoncé la censure. "Les chercheurs de la Smithsonian ne devraient pas être censurés, ni s'auto- censurer pour plaire aux dirigeants politiques du jour (...). L'Institution ne devrait pas avoir peur d'offenser ceux qui tiennent les cordons de la bourse", a affirmé l'ACLU dans un communiqué mercredi. "J'ai eu le sentiment qu'il fallait que je dise ces choses", a ajouté M. Sullivan.
"Ce ne sont pas des broutilles éthiques. L'institution Smithsonian doit avoir le courage et l'autorité de refuser ce genre de pressions budgétaires". Il y a un peu plus d'un an, le principal climatologue de la NASA avait dénoncé publiquement des pressions de l'administration Bush pour censurer ses travaux sur le réchauffement climatique. (afp)
Libellés : Bush, réchauffement climatique
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