Haro sur les animaux
Haro sur les animaux ! Depuis quelques décennies, la faune - sauvage ou domestique - est au centre de nombreuses crises sanitaires qui font de plus en plus régulièrement les gros titres de la presse. Syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), fièvre West Nile, grippe aviaire... Dans un ouvrage tonique et original, François Moutou, vétérinaire et épidémiologiste à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa),
Comment des agents pathogènes qui existent généralement depuis des temps immémoriaux se révèlent-ils brusquement ? Pourquoi, en peu de temps, peuvent-ils acquérir une virulence nouvelle ? Par quels biais se transmettent-ils à l'homme ? François Moutou ne livre pas, bien sûr, une réponse théorique et univoque au cas général. Au contraire, c'est l'étude de chaque cas pratique, c'est l'attention portée à la conjonction subtile des facteurs naturels et anthropiques qui conduisent à l'émergence d'une zoonose et, parfois, à une épidémie, qui sont riches d'enseignements. Le sens de chaque histoire est dans les détails.
Pourquoi le SRAS ? François Moutou ouvre quelques pistes. Qui n'ont parfois que peu à voir avec le comportement de la civette palmiste masquée (Paguma larvata), identifiée comme l'un des réservoirs naturels du virus et qui donne son titre au livre. Les raisons de cette crise sanitaire ont sans doute plus à voir avec... l'essor économique de la Chine.
"Les choses ont commencé à bouger en Chine au niveau économique dans les années 1980-1990 et de plus en plus de personnes ont eu les moyens financiers de consommer (de la) civette (...), écrit François Moutou. La demande a tellement augmenté que la pression de chasse a conduit à deux conséquences : l'importation de nombreux animaux de toute l'aire de répartition naturelle de l'espèce (Inde, Asie du Sud-Est, Indonésie, moitié sud de la Chine) et l'apparition de fermes d'élevage. (...) Mais créer un nouvel élevage et une nouvelle filière de production permet l'émergence potentielle de nouvelles pathologies impossibles à observer dans la nature quand les densités animales sont incomparablement plus faibles."
En 2005, l'avancée de l'épizootie de la grippe aviaire avait conduit à la stigmatisation des oiseaux migrateurs, accusés par nombre d'organisations internationales et de gouvernements d'être les principaux pourvoyeurs du mal. Aujourd'hui, l'infection au Royaume-Uni d'un élevage industriel de dindes, hermétiquement clos et éloigné des principales routes migratoires, suggère des vecteurs plus complexes. Et, selon toute vraisemblance, liés aux activités humaines.
François Moutou montre qu'il peut s'agir de presque rien. D'un pneu dans lequel demeure un peu d'eau souillée qui débarque d'un container à New York, amenant avec lui sur le continent américain, en toute discrétion, quelques larves de moustiques porteuses du virus West Nile... Ou d'un regain commercial entre Orient et Occident qui permet au rat noir (Rattus rattus) de s'installer en Europe où il contribuera à propager, au Moyen Age, la redoutable peste noire...
En décryptant l'émergence des nouvelles maladies à travers le rôle d'organisateur de la biosphère que l'homme a endossé, l'auteur rappelle que l'humanité fait partie de cette biodiversité maltraitée. Et que, un jour où l'autre, l'homme finit par subir les conséquences de sa gestion souvent inconsidérée du vivant.
Libellés : epizootie sras
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