Ecoland

Ce blog est destiné à informer tout un chacun sur les problèmes écologiques les plus divers.

vendredi 9 mars 2007

Début de Greenpeace

Vancouver, 15 septembre 1971. Le Phyllis Cormack, un vieux rafiot de pêche rebaptisé Greenpeace, prend le large. A son bord : un capitaine grincheux, un mécanicien peu disert et une dizaine d'écologistes et de hippies. Cet équipage disparate mais motivé part à l'assaut d'Oncle Sam. Les Etats-Unis ont en effet décidé de faire un test nucléaire sur l'île d'Amchitka, à la pointe de l'Alaska. Une catastrophe assurée pour la région tant les répercussions sur les écosystèmes, et donc l'économie de la pêche, seraient irréversibles. Sans oublier le danger des radiations sur la santé.

Objectif de l'expédition : mobiliser l'opinion publique mais aussi empêcher le tir en pénétrant illégalement dans les eaux d'Amchitka. La philosophie de Greenpeace est déjà en œuvre dans cette première mission qui relève de l'odyssée psychédélique. Robert Hunter, l'un des participants, qui sera aussi l'un des fondateurs de l'ONG, en fait le récit exalté et exaltant dans Les Combattants de l'arc-en-ciel (1). Hunter embarque en qualité de journaliste dans la presse underground : il est là pour témoigner. Comme ses autres comparses, il est conscient d'écrire une nouvelle page du combat écologique.
L'équipage est imprégné de l'esprit Flower Power et des mouvements contestataires de l'époque : opposants à la guerre du Vietnam, Black Panthers, Amérindiens. Le surnom de "Rainbow Warriors" fait d'ailleurs référence à un livre de légendes indiennes. La "paix verte" passera donc par une guerre médiatique et des actions choc. Une démarche confortée par le soutien grandissant des Canadiens, des tribus indiennes de la côte Pacifique, de congrégations religieuses, des représentants du secteur immobilier (!) et de politiciens, jusqu'au Premier ministre du pays.
Courants psychiques
Les premiers jours de cabotage le long des côtes, les "combattants de l'arc-en-ciel" sont euphoriques, convaincus de mener une juste croisade. Plus d'une fois, Hunter compare la petite communauté à bord du Greenpeace à celle de l'Anneau, dans la trilogie de Tolkien. "Nous nous dirigeons tout droit vers le sinistre et ténébreux royaume de Mordor", écrit-il. "Notre anneau de Pouvoir, c'est le cercle parfait du symbole écologiste". Sur l'île d'Atukan, une excursion vire au trip psychédélique : "Notre contact avec ce qui nous entoure est tellement planant que nos esprits se sont mis à tisser des liens entre eux (...) Un Esprit Collectif commence à voir le jour", relate le journaliste avant de s'étaler dans l'herbe mouillée et de faire l'amour (littéralement !) à cette nature préservée des vices de la civilisation.
Les jours suivants seront plus difficiles. Au grand large, l'ambiance est à l'image de la mer : houleuse, en proie à de violentes tempêtes. Les ego sont exacerbés. Les disputes se multiplient, les mesquineries aussi. Puis l'annonce du report de l'essai fait pour le coup l'effet d'une bombe. Faut-il continuer alors que le bateau, comme le collectif, prend l'eau ? "Frappé de plein fouet par des courants psychiques contraires, le Greenpeace s'est brisé en deux", déplore Hunter.
Il serait facile de se moquer de cette bande de babas cool pseudo-révolutionnaires qui veulent changer le monde sans parvenir à se mettre d'accord sur le cap à suivre. Hunter est le premier à s'interroger sur cette équipée a priori dérisoire, et sur ses propres excès, lui qui se décrit comme "un sauvage ou un illuminé, au choix". La force du récit de Hunter tient justement à sa sincérité, jusque dans sa démesure. Délirant, lyrique, émouvant, le journaliste-activiste livre également une analyse lucide et ô combien actuelle sur l'état de notre planète : "La destruction de l'environnement sévit partout dans le monde, sous nos yeux. Celui qui continue de mener sa petite vie, qui reste assis à ne rien faire et plonge sa tête dans le sable, est complice du crime qui consiste à assassiner l'avenir". Face à une telle menace et aux solutions, fussent-elles radicales, qu'elle implique, Hunter revendique "l'héritage laissé par ce voyage (...) : une organisation, Greenpeace, que le monde entier aime ou déteste mais qui ne laisse personne indifférent".

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